mardi 27 décembre 2011

Roman : L'Anarchiste de Soth Polin


J'ai toujours été fascinée par l'Asie. Celle qui est cachée, celle qui ne brille pas, ou plutôt qui ne semble pas briller. Je ne parle pas de villes lumières telles que Tokyo, Shanghaï, Hong Kong ou Singapour. Je ne parle pas de ces cités qui rayonnent et qui éclipsent par leur orgueil les vastes plaines fertiles du Mékong.


En guise de cadeau de Noël, j'ai offert à ma sœur aînée Kampuchea de Patrick Deville. Ombres Blanches me conseillait aussi L'Anarchiste de Soth Polin, que j'achetai donc également.

Cela paraît peut être superficiel, mais je trouve le visuel et l'esthétique d'un bouquin assez importants. D'ailleurs, la couverture de L'Anarchiste est splendide. Une jeune fille métissée. Un très beau métissage, sûrement entre la Chine et le Cambodge, ou bien la Thaïlande. Pensive, affalée sur la table d'un de ses restaurants que l'on retrouve à Phnom Penh. Ne prêtant guère attention à cet homme, français peut-être, qui passe délicatement sa main dans sa longue chevelure noire. Futur mariage arrangé, ou banale scène de la vie quotidienne ? Quoiqu'on pourrait faire l'amalgame entre les deux. Magnifique tableau.


Le roman est scindé en deux parties, écrites à douze ans d'intervalle. Dès les premières pages, dès la préface, j'étais prise à la gorge. J'imaginais ce qu'avait vécu mes parents sous le régime khmer rouge. J'ai versé quelques larmes, puis mon âme fragile de jeune fille de 17 ans (cliché..) fut tourmentée. Tourmentée par la personnalité du personnage, par ses pensées dérangeantes. Par ses réflexions philosophiques parfois vraies, parfois (le narrateur l'avouera lui-même) irrationnelles. Un des rares textes khmer, rédigé en langue khmère que l'on a retrouvé après la guerre. Enfin « retrouvé », c'est un bien grand mot, puisque Soth Polin, l'auteur s'était exilé en France durant le régime de Pol Pot.

J'étais également plongée dans les coutûmes khmères, les croyances qui ont parcourues les siècles. Les légendes que ma mère me racontait lorsque j'étais petite, la vie à Kompong Cham, tous ses lieux qui me sont familiers, même si je n'y suis allée qu'une fois, seulement âgée de 5 ans. La grandeur de « Sans pitié les fesses en arrière » (la première partie du roman) réside dans son caractère disons, provocateur. D'ailleurs, elle a été censurée, puisqu'elle expose une critique politique qui devait être considérée comme trop virulente par Norodom Sihanouk.

On retrouve à travers l'écriture de Soth Polin
une partie de la littérature khmère. Et on regrette avec amertume toutes ces œuvres qui ont été brûlées, tous ces théâtres saccagés, toutes cette musique oubliée. J'imagine avec émerveillement toute la magnificence de l'art cambodgien. Comment un tel empire, comment une ville comme Angkor, que l'on peut comparer aujourd'hui avec Tokyo, a-t-elle ainsi pu tomber dans l'oubli général ? Ces temples oubliés, aujourd'hui sublimés par la nature, les splendides Apsaras, il est des choses dont les mots nous manquent. Je rêve du Cambodge d'antan, je rêve de ce Cambodge qui rayonne, je rêve de ce pays qui ne connaissait ni guerres ni massacres. Et je vous recommande sincèrement L'Anarchiste.






Ci - contre :
Une danseuse Apsara










Là, le "petit" Angkor, où la nature a repris ses droits.

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